Supposons que vous créez une entreprise. Bien sûr, cela inclut un site web et un nom de domaine qui fait référence à votre entreprise, produit ou service. Il peut toujours arriver que quelqu'un d'autre ait déjà enregistré votre nom de domaine préféré. C'est ce qu’avait fait Bob en 1996 quand il avait enregistré le nom windows2000.com et qu’il avait ainsi malencontreusement piraté Microsoft.
Au moment de sa création, PETA, l'organisation militant pour la défense des droits des animaux (People for Ethical Treatment of Animals), n'avait pas pu enregistrer le nom de domaine peta.org. Un certain Michael Doughney avait enregistré ce nom de domaine en 1995 pour son site web parodique « People Eating Tasty Animals ». Comme PETA ne pouvait pas apprécier la plaisanterie, elle avait eu recours à la justice qui lui avait octroyé le droit au nom de domaine. PETA n'avait toutefois pas obtenu les dommages-intérêts réclamés et avait également dû payer les frais de justice. Le juge avait estimé que l’action de Doughney ne comportait aucune intention malveillante.
« Je vais acheter une voyelle »
À ses débuts, Facebook s'appelait The Facebook. Bientôt Mark Zuckerberg et ses acolytes avaient regretté ce « The », mais malheureusement ils n'avaient pas l'argent nécessaire pour acheter le nom de domaine facebook.com au propriétaire de l'époque. En 2005, l’argent n'était plus un problème pour Facebook et Mark avait pu acquérir le nom de domaine pour 200 000 dollars.
L'histoire de Twitter est similaire. La société s'est toujours appelée Twitter, mais lors de sa fondation en 2006, le nom de domaine twitter.com appartenait à un fervent amateur d'oiseaux. Elle avait donc choisi d’utiliser le nom de domaine twttr.com. Après un certain temps, le fondateur Evan Williams avait économisé suffisamment d'argent pour acheter une paire de voyelles. Et il acheta le nom de domaine Twitter.com pour 7 500 euros.
Bob.com
En 1996, Bob Kerstein était en quelque sorte un visionnaire. Internet n'en était qu'à ses débuts, mais Bob avait néanmoins enregistré le nom de domaine windows2000.com. Il prétendait proposer sur le site associé à ce nom de domaine un gigantesque flux de milliers de caméras web situées dans le monde entier. Une fenêtre sur le monde, pour ainsi dire.
Lorsqu’elle avait commencé à travailler sur Windows 2000, la société Microsoft avait vraiment besoin de ce nom de domaine. Bob, qui n'était pas entièrement innocent et qui était aussi le propriétaire des noms de domaine broadband.com, dividend.com, streetmap.com, englishman.com, avait cédé le nom à Microsoft en échange du nom de domaine bob.com qui appartenait alors à Microsoft et d'un montant qu'il avait lui-même qualifié de « not life changing », c'est-à-dire un montant qui n’était pas à même de changer sa vie. Tout le monde était donc satisfait.
« Aucun intérêt pour l'internet »
Adam Curry, anciennement VJ sur la chaîne MTV, a été la première personne à acheter un nom de domaine de sa propre initiative pour l'entreprise où il travaillait. En 1993, il a en effet acheté mtv.com après en avoir informé son employeur qui, selon lui, ne s'intéressait ni à internet ni au nom de domaine. La situation a rapidement changé lorsque Curry a quitté MTV en 1994. La chaîne voulait en effet revendiquer le nom de domaine après tout. Curry refusa de céder le nom de domaine jusqu'à ce qu'un procès intenté à son encontre l’y contraigne pour un montant sans précédent.
La première personne qui a délibérément acheté un nom de domaine pour le revendre ensuite était le journaliste Joshua Quittner. Il rédigeait un article pour le célèbre magazine Wired sur le squattage des noms de domaine et il avait décidé de constater par lui-même comment cela se déroulait. En 1994, il enregistra le nom de domaine mcdonalds.com. Lorsqu'il avait contacté McDonalds pour leur demander s'ils souhaitaient acheter le nom de domaine, la première réaction de McDonalds avait été : « Vous pensez que l’internet est important ? ». Aujourd’hui, cela nous paraît une bévue ridicule de la part de la chaîne de restauration rapide, mais en 1994, c'était encore une réaction compréhensible. Quittner a finalement vendu le nom de domaine à McDonalds et a fait don du bénéfice (3 500 dollars) à un organisme de bienfaisance.
Nissan contre Nissan
L'entrepreneur israélo-américain Uzi Nissan est à la tête de Nissan Computers, une société informatique, depuis les années 1980. En 1994, il a enregistré le nom de domaine nissan.com pour son entreprise. Le constructeur automobile japonais du même nom utilisait déjà le nom Nissan, mais exportait ses voitures en Europe et en Amérique sous le nom de Datsun. L'intérêt pour les noms de domaine et l'internet en général était plutôt faible.
Cela a changé au fil du temps et Nissan (le constructeur automobile) a exigé le nom de domaine de Nissan (l'entrepreneur). Après un procès qui a duré pas moins de huit ans, il a été décidé que l'entrepreneur ne s’était pas rendu coupable de cybersquattage et qu'il était autorisé à conserver le nom de domaine. Le constructeur automobile a dû renoncer à sa réclamation de 10 millions de dollars.
Bien que M. Nissan ait gagné le procès, il a tout de même dépensé trois millions de dollars en frais de justice au fil de ces années. Le procès a également ruiné son entreprise étant donné que toute activité de l'entreprise a été interdite pendant les huit années de la procédure. Vous pouviez vous en rendre compte immédiatement en accédant au site www.nissan.com : l'entrepreneur n’avais même plus les fonds nécessaires pour engager un concepteur web professionnel. « Si j'avais su cela à l'avance, je leur aurais tout simplement cédé le nom de domaine immédiatement », affirme-t-il après avoir reçu notification de la décision finale du tribunal.
Ahhhhh….com
Pour terminer, quelques conseils. Les entreprises font de leur mieux pour être prévoyantes et pour enregistrer maintenant les noms de domaine des produits et services qu'elles souhaiteront éventuellement lancer à l'avenir. Cela leur permet d’éviter des litiges désagréables, des atteintes à l'image de l'entreprise et le paiement de prix excessifs pour le nom de domaine.
En tout cas, Coca-Cola l'a compris. Dans le cadre d'une campagne en 2013, la compagnie a enregistré les noms ah.com, ahh.com, ahhh.com et ainsi de suite jusqu'à 62 h. Il n'allait donc pas être facile d'exploiter l'expérience client des boissons de la compagnie au moyen d'un nom de domaine.